Utilisée dans le domaine du divertissement, mais aussi dans d’autres domaines plus « sérieux » comme par exemple la médecine, la réalité virtuelle séduit de par ses nombreuses applications. Mais comme toute nouvelle technologie, elle suscite des interrogations et des inquiétudes quant à ses effets à long terme sur la santé de ses utilisateurs. S’il n’est pas encore possible de savoir précisément comment la réalité virtuelle risque de nous impacter par manque de recul, il existe tout de même quelques éléments scientifiques à ne pas négliger, qui attestent de son influence sur notre santé aussi bien physique que mentale. Alors quels sont les dangers potentiels de la réalité virtuelle sur la santé et comment s’en protéger ?
Les dangers de la réalité virtuelle sur la santé mentale
La réalité virtuelle est un domaine qui intéresse de nombreux médecins. Ces derniers voient notamment dans cette technologie une solution au traitement de troubles psychologiques comme les phobies ainsi qu’un outil pour comprendre certaines maladies mentales comme la schizophrénie.
Si la réalité virtuelle peut donc aider un patient à vaincre ses peurs en l’immergeant dans une situation qu’il fuirait dans la réalité, elle peut aussi « enfermer » un utilisateur dans une situation d’extrême malaise. Les expériences étant vécues à la première personne, se retrouver face à une armée de zombies ou bien plonger dans un océan infesté de requins pourrait provoquer un sentiment de véritable terreur. Ce pourquoi certains médecins, dont des cardiologues, ont émis des mises en garde concernant l’utilisation de casques de réalité virtuelle utilisés par des personnes souffrant de problèmes cardiaques. Il va sans dire que les mêmes précautions s’appliquent également aux personnes souffrant d’épilepsie.
Si certaines personnes souffrent ainsi de terreur nocturnes ou de stress après avoir regardé un film d’horreur, elles pourraient également expérimenter les mêmes peurs après une immersion dans un univers angoissant en 3D. Un abus de réalité virtuelle pourrait également provoquer selon certains psychiatres un stress accru.
Enfin, un facteur à ne pas négliger est la perte de repères et la difficulté de discerner ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, que pourrait entraîner une immersion prolongée dans la réalité virtuelle.
Mais attention à ne pas dramatiser car si un abus de réalité virtuelle peut avoir des effets négatifs sur l’état psychologique de son utilisateur, il en va de même pour une utilisation prolongée des jeux vidéo ou de la télévision.
L’impact de la réalité virtuelle sur la vision
Si comme la télévision ou les jeux vidéo, la réalité virtuelle peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale de son utilisateur, qu’en est-il de sa santé physique ? La réalité virtuelle est-elle dangereuse pour les yeux ?
Regarder un film en réalité virtuelle peut provoquer chez certaines personnes un sentiment d’inconfort visuel au départ, inconfort principalement dû au procédé utilisé par la VR pour berner nos yeux et notre cerveau. Dans la réalité, lorsque l’on regarde un objet de près, nos yeux font la mise au point dessus pour pouvoir le voir de façon nette, il s’agit de l’accommodation. Simultanément à ce phénomène, nos yeux louchent vers l’objet pour ne pas le voir en double, il s’agit du phénomène de convergence. Si accommodation et convergence fonctionnent de pair dans la réalité, ces phénomènes sont utilisés séparément dans le monde virtuel afin de créer cet effet en 3 dimensions. Dans un film en réalité virtuelle, chaque œil reçoit sa propre piste visuelle et le cerveau reconstruit de lui-même des images en profondeur. Quand un objet animé surgit et se rapproche, un requin par exemple, nos yeux convergent dessus mais sans effectuer de mise au point, c’est à dire sans accommodation. Les yeux conservent leur mise au point sur l’écran pour nous permettre de voir de façon nette ce qui ne serait pas le cas s’ils se calquaient sur le requin. Le sentiment d’inconfort est donc provoqué par le découplement entre la convergence et l’accommodation, ce qui est cependant sans danger pour nos yeux.
Autre phénomène expérimenté, la « cybersickness », similaire au « mal de mer », qui provoque nausées et vomissements chez les utilisateurs les plus sensibles. Cet état de mal être s’explique par une perte de repères dans l’espace. En temps normal, pour se repérer, on utilise l’oreille interne, les muscles et les yeux. Une fois le casque sur la tête, les yeux indiquent que nous sommes en mouvement, puisqu’un film en VR se passe toujours à la première personne, alors que l’oreille interne et le corps indiquent le contraire. Ce sont ces informations opposées qui provoquent la cybersickness.
Si inconfort visuel et cybersickness ne présentent pas de véritable danger pour la santé, il en va autrement des écrans OLED qui équipent nos smartphones et certains casques de VR. Dans les écrans OLED, chaque pixel est une LED émettant sa propre couleur et certaines teintes de bleu (d’une longueur d’onde comprise entre 415 à 450 nanomètres) auraient un effet toxique sur la rétine. Selon l’ophtalmologue Gilles Renard, bien que cette toxicité n’ait été seulement prouvée que chez les animaux, il est raisonnable de penser que la rétine humaine subisse les mêmes dommages.
Réalité virtuelle, quel impact sur le cerveau ?
La réalité virtuelle est de plus en plus utilisée par les médecins pour tenter de soulager la douleur ou pour traiter des pathologies. Ainsi, une étude menée par le Dr Miguel Nicolelis a pu démontrer que l’usage de la réalité virtuelle a permis à certains patients paraplégiques de réactiver des nerfs de la moelle épinière et de retrouver un début de contrôle sur le corps.
Le chercheur Hunter Hoffman a plongé des grands brûlés dans un univers virtuel composé de neige et de glace afin de leur faire « oublier » la douleur insupportable qu’ils ressentent même sous l’effet de narcotiques. Pour comprendre comment ce petit miracle a pu s’opérer, le chercheur a placé ses patients munis, de lunettes en plastiques spécialement conçues pour l’occasion, dans une machine IRM. Résultat de l’expérience, l’activité dans la partie du cerveau liée à la douleur était ralentie. L’hypothèse est que la réalité virtuelle stimule la production d’endorphines qui agissent naturellement sur la douleur. Cette hypothèse reste cependant encore à prouver.
Qu’elle soit utilisée pour la rééducation ou le soulagement de la douleur, la réalité virtuelle a bien une influence réelle sur notre cerveau même s’il faudra encore attendre des recherches approfondies pour comprendre le fonctionnement exact.
Le professeur Mayank Mehta de la célèbre université UCLA en Californie, étudie depuis 2009 les effets de la réalité virtuelle sur les neurones. Une expérience menée sur des rats placés dans un univers virtuel montre que 60 % des neurones de l’hippocampe, partie du cerveau dédiée à la mémoire et aux repères spatiaux, devenaient inactifs et que les 40 % restant fonctionnaient de façon chaotique. Le professeur a également noté une baisse sensible au niveau de l’activité électrique de tous les neurones. Même si l’étude a seulement été réalisée sur des rats, ses résultats peuvent être appliqués à l’homme. Le professeur et son équipe travaillent d’ailleurs actuellement sur une technologie qui leur permettra de comprendre ce qu’il se passe à l’intérieur d’un neurone chez un sujet placé dans un univers virtuel. Si la réalité virtuelle peut donc être utilisée pour « traiter », son influence sur les neurones n’est pas non plus à négliger.
Alors même si les effets éventuels de la VR sur la santé ne seront connus que dans quelques années, voici quelques consignes simples pour « s’en protéger ». Tout d’abord, il convient d’interdire la VR aux enfants de moins de 12 ans, leur système visuel et cerveau n’étant pas complètement mature. Il est également nécessaire de faire des pauses toutes les 15 à 20 minutes, comme le rappellent les fabricants de casques VR. Et même si le besoin ne s’en fait pas ressentir, il est aussi fortement déconseillé de prendre le volant après une session VR et enfin en cas d’inconfort même minime, il faut immédiatement arrêter l’expérience.
Éducation, justice, médecine ou encore divertissement, de nombreux secteurs ont désormais recours à la réalité virtuelle et si l’on peut d'ores et déjà observer ses effets positifs, il incombe aux scientifiques et à l’industrie VR d’étudier ses dangers potentiels sur la santé et son impact sur le cerveau humain, car comme le rappelle le chercheur Mayank Mehta « Il ne faut pas considérer la réalité virtuelle comme une télévision améliorée ».